Restauration de l’abside d’une église et de son cadran solaire par Olivier Maubert

Pour ce mois de juin 2016, nous partons dans l’Hérault pour découvrir le chantier de restauration de l’abside d’une église et de son cadran solaire, réalisé par l’entreprise Atelier St Blaise et St Thomas. Olivier Maubert, nouveau gérant de l’entreprise basée à Fabrègues (34), a pris la succession de Francis Mezzone en juin 2015.  Il emploie actuellement 21 personnes.


« Nous avons obtenu ce chantier de restauration de l’église romane de la Nativité de Saint Jean Baptiste suite à un appel d’offre lancé par la mairie de St Jean de Cuculles (34), pour réaliser des travaux d’entretien de l’abside (12ème s.) et de surélévation (14ème s.), ainsi que la restitution du cadran solaire. Nous avons réalisé un diagnostic historique de l’Eglise et du cadran, pour faire des propositions techniques adéquates.
Une équipe de 3 personnes a réalisé ce chantier de référence pendant près de 3 mois, de septembre à novembre 2015.

Datant du 12ème siècle et classée aux Monuments Historiques depuis 1925, l'église possède un imposant chevet présentant deux registres séparés par un cordon de pierres. Ces deux niveaux diffèrent par leur maçonnerie : le registre inférieur est réalisé en pierres de taille, tandis que le registre supérieur, ajouté lorsque l'église a été fortifiée au 14ème siècle, est édifié en moellons de taille grossière.

Notre première intervention a concerné la couverture. La surélévation du chevet d’origine de l’église est coiffée d’une couverture en tuiles de terre cuite de type canal anciennes. Ses rives maçonnées ont été dégradées suite aux intempéries. Notre prestation a consisté en la dépose des tuiles de rives en conservation, la purge et la repose des tuiles maçonnées au mortier de chaux hydraulique naturelle NHL 3.5.


Pour la réfection de la corniche en pierres de taille située à mi-hauteur du parement, nous avons réalisé les travaux de taille et de pose des pierres dans les règles de l’art. Après avoir présenté des échantillons de pierres sur place pour vérifier la bonne intégration de celles-ci, les pierres de la corniche ont été scellées sur lit de pose, avec fourrure au mortier de chaux NHL 3.5 mélangée à du sable gris de Bram. Nous avons ensuite appliqué une Eau Forte sur les partie neuves, réalisée de manière traditionnelle, avec de la chaux hydraulique NHL 3.5, de l’eau, de la Caséine et de l’Oxyde noir pour obtenir la teinte souhaitée et un aspect «pierres vieillies». Préalablement aux travaux de coulinage, une réfection des joints de la totalité des parements a été réalisée. Après avoir purgé les joints dégradés, nous avons procédé à un dégarnissage et nettoyage haute pression. La réfection des joints de la partie surélevée de l'abside (78 m²) s’est faite en 2 passes de mortier : la 1ère avec un mélange de chaux hydraulique NHL 3.5 et du sable de rivière ; la 2nde passe avec un mélange de chaux hydraulique NHL 3.5 et des sables gris de rivière et de Bram en mélange avec du sable jaune de Mornas. Pour les joints les plus dégradés, nous avons réalisé une injection gravitaire d'un coulis de chaux.


Nous avons ensuite réalisé un enduit à pierre vue, obtenu par le procédé de finition « coupée à la truelle dans le demi frais».Le passage d'une patine de vieillissement sur les joints concernés par la réfection a été réalisé.
Il y a eu des phases intermédiaires de validation de couleurs pour les patines que nous avons appliquées sur les joints et les pierres de taille. De nombreux échantillons ont été proposés, pour se rapprocher au plus près de la teinte d’origine de l’église et rester dans le ton des bâtiments attenants. Nous avons utilisé de la chaux aérienne mélangée, soit à des oxydes, soit à des pigments minéraux naturels. Le choix du client s’est porté sur l’échantillon réalisé avec l’Ombre Naturelle.


Afin de renforcer structurellement l’intérieur des maçonneries dégradées, nous avons injecté un coulis de chaux (chaux hydraulique naturelle NHL 3.5) pour « reliaisonner » les maçonneries. Après avoir foré des trous dans les joints pour injecter au milieu de la paroi, nous avons positionné des évents tous les 40 à 60 cm de hauteur pour une bonne répartition du coulis de chaux dans les maçonneries. Les injections ont été réalisées de bas en haut de la paroi et par tranche pour éviter les poussées hydrostatiques.Les encadrements des trois baies situées en façade de l’abside sont en pierres de taille. Ils étaient très détériorés et nécessitaient une reprise et un comblement des assises des pierres de taille. Nous avons donc fourni, taillé et posé toutes les pierres neuves de Calcaire gréseux.
La fenêtre axiale comprenait de nombreux désordres avant intervention : jambages dégradés, appuis défectueux, cintre en pierres de taille inexistant, IPN de fortune remplaçant le cintre, maçonnerie de remplissage hétérogène. Nous avons donc procédé à la dépose d’un barreaudage en fer forgé, martelé, puis au traitement des ancrages. Nous avons confectionné un arc de décharge en déposant les pierres manuellement avec repérage de chacune d’entre-elles, de façon à les replacer au même endroit lors de la restitution de l’arc. 
Nous avons descellé l’IPN et les pierres des jambages non conservées puis nous avons réalisé la pose de pierres de taille en tiroir pour jambage de la baie axiale. Le scellement des pierres a été fait sur lit de pose avec fourrure au mortier de chaux NHL 3.5 et sable gris de Bram.


 La réfection du cintre en pierre de taille a été faite à l’identique par rapport aux cintres existants sur les ouvertures voisines conservées. Nous avons réalisé un cintre en bois pour mettre en place les pierres de taille neuves en Sommier, Claveaux, Contre clé et Clé de Voûte.
L’enduit fin des embrasures a été réalisé avec un mortier de chaux NHL 3.5 et du sable de Mornas blanc. Nous avons appliqué une Eau Forte sur les parties neuves, identique à celle utilisée pour les pierres de taille en corniche.
Concernant l’intervention sur les baies latérales Nord et Sud du Chevet, les altérations concernaient les assises des montants des jambages et les assises basses pour la partie Sud. Nous avons réalisé la réfection des encadrements en assurant la fourniture, la taille et la pose de pierres de taille, ainsi que le réemploi de pierres extraites sur les éléments refouillés de l’édifice. La reprise de l’appui en glacis a également été réalisée ainsi que le dressage des tableaux à l’enduit de chaux NHL3.5.


La restauration du cadran solaire, historiquement implanté sur le versant Sud / Est en façade du chevet extérieur de l’église, a nécessité la participation de 2 prestataires extérieurs : José Gonzalves, gnomoniste et Anne Rigaud, conservatrice et restauratrice d’Art. Aucun élément historique n’a permis d’en donner une datation précise, ni chiffre, ni ligne n’étant lisible. Le cadran ancien a été réalisé par la technique d’application d’un enduit à la chaux taloché fin en surépaisseur du parement en moellon où il est accroché. Perché sur un mur cylindrique à une hauteur de 9.50 m (ce qui n’a pas facilité le travail !), le cadran à une surface d’environ 2.40 m². Sa hauteur est de 1.60 m et sa largeur de 1.50 m. Sa perte d’adhérence à l’appareil de pierre calcaire en partie basse nécessitait une consolidation par injection de chaux hydraulique et de pouzzolane. Une phase de nettoyage a été réalisée via l’emploi de carbonate d’ammonium et d’une brosse souple pour éliminer les accumulations de mousses en surface, de dépôts de poussières, et de microorganismes. Pour préparer le fond de cadran en vue de sa restauration, il a été appliqué deux couches de badigeon de chaux de teinte beige.Pour reconstituer le cadran, il a d’abord fallu restituer les lignes et les chiffres par l’emploi de peintures minérales (respirantes et durable en extérieur), travail réalisée par Mme Anne Rigaud « Conservation et restauration d’œuvres d’art », missionnée et accompagnée par l’Atelier Saint Blaise & Saint Thomas. 


Dans un second temps, M. José Gonzalves, de par sa qualification de gnomoniste, est intervenu pour réaliser les calculs nécessaires au placement des éléments du cadran par rapport à la course du soleil. Les lignes des heures et les courbes des solstices ont été peintes avec une peinture minérale à base de silicate de potassium, résistante à la lumière et à la chaux. 
Dans un souci de pérennité optimale, le choix des matériaux employés pour la campagne de restauration de ce cadran solaire et de l’abside, a respecté l’emploi des matériaux d’origine, notamment reconnus pour leurs résistances aux intempéries. Tout a été fait manuellement, en respectant les techniques de restauration à l’ancienne.»


Chiffres clés

  • Durée du chantier : 3 mois (septembre à novembre 2015)
  • Equipe de 3 personnes
  • Produits utilisées : Chaux aérienne, chaux hydraulique naturelle NHL 3.5, Oxydes et Pigments naturels, peintures minérales, Caséine…